Décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF) dans la commande publique

DPGF - Décomposition du prix forfaitaire

Introduction et définition

La Décomposition du Prix Global et Forfaitaire (DPGF) est une pièce financière du dossier de consultation des entreprises (DCE) dans le cadre des marchés publics. Bien que souvent considérée comme un simple document financier, elle joue un rôle déterminant dans la transparence des offres et l'analyse comparative des propositions des soumissionnaires.

Ce document, connu des entreprises, traduit financièrement le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) en décomposant en détail le prix global proposé par l'entreprise selon les différents postes et prestations à réaliser.

La décomposition s'inscrit dans l'application de l'article R. 2112-6 du Code de la commande publique qui définit le prix forfaitaire comme la rémunération du titulaire pour une prestation ou un ensemble de prestations, indépendamment des quantités finalement livrées ou exécutées. La DPGF s’appuie sur cette définition en proposant une ventilation détaillée des coûts.

 

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Nature juridique et portée contractuelle

Statut juridique particulier dans la hiérarchie des pièces contractuelles

Contrairement à d'autres documents comme le CCTP ou l'acte d'engagement, la DPGF n'est pas, en principe, dotée d'une valeur contractuelle. Cette particularité juridique détermine la portée des engagements réciproques des parties. En effet, seul le montant global indiqué dans l'acte d'engagement possède une force contractuelle opposable, tandis que la décomposition des prix n'a qu'une valeur informative et analytique.

Toutefois, cette règle générale connaît des exceptions importantes. Le juge administratif reconnaît une valeur contractuelle à la DPGF lorsque le marché le prévoit expressément dans ses clauses ou lorsque ses éléments sont repris dans l'acte d'engagement. La jurisprudence a également consacré son rôle dans l'interprétation du contrat en cas de litige sur l'étendue des prestations dues.

Conséquences pratiques de l'absence de valeur contractuelle

Cette absence de valeur contractuelle de principe emporte des conséquences juridiques et pratiques.

L'entreprise ne peut, en règle générale, se prévaloir des quantités mentionnées dans la DPGF pour exiger une rémunération supplémentaire si les quantités réellement exécutées s'avèrent supérieures.

Inversement, le maître d'ouvrage ne peut généralement pas imposer une réduction du prix forfaitaire si les quantités effectivement mises en œuvre sont inférieures aux prévisions.

Le titulaire du marché demeure tenu de réaliser l'ensemble des prestations décrites au CCTP pour le prix global convenu, indépendamment des quantités détaillées dans la DPGF.

Comme l'a rappelé la Cour administrative d'appel de Lyon dans son arrêt du 30 janvier 2025, n° 23LY03969, "le caractère global et forfaitaire du prix des marchés [...] exclut seulement que [le titulaire] sollicite un paiement supplémentaire auprès du pouvoir adjudicateur," sans pour autant faire obstacle à la recherche de responsabilité d'autres intervenants ayant commis des erreurs dans l'évaluation initiale des quantités.

Élaboration et contenu de la DPGF

Processus d'élaboration

La DPGF est généralement élaborée par le maître d'œuvre durant la phase de préparation du DCE, en étroite collaboration avec les bureaux d'études techniques concernés. Cette élaboration suit plusieurs étapes.

La qualité de la DPGF dépend largement de la précision des études préalables et de la cohérence entre les différentes pièces techniques du marché. Une DPGF incomplète ou imprécise peut conduire à des litiges coûteux ou à des travaux supplémentaires non anticipés.

Contenu type d'une DPGF

Une DPGF correctement structurée comprend généralement les éléments suivants :

Pour les marchés complexes, particulièrement dans le secteur du bâtiment, la DPGF peut également intégrer des mécanismes de calcul automatisés ou des formules permettant d'agréger certaines données et faciliter l'analyse ultérieure des offres.

Le cadre de décomposition, un outil de standardisation et d'analyse comparative

Dans la majorité des marchés publics, le maître d'ouvrage fournit aux soumissionnaires un cadre de décomposition standardisé. Ce document-type présente plusieurs avantages comme les suivants.

Une uniformisation des réponses qui garantit que toutes les entreprises répondent selon le même format et la même structure, facilitant considérablement l'analyse comparative des offres.

La cohérence avec le CCTP qui assure l'alignement entre les exigences techniques et leur traduction financière.

La réduction des risques d'omission qui limite les risques qu'un soumissionnaire oublie de chiffrer certaines prestations requises.

Une transparence accrue qui permet d'identifier rapidement les écarts significatifs entre les offres sur des postes spécifiques

Ce cadre doit être conçu avec une finesse suffisante pour permettre une analyse pertinente des offres, sans tomber dans l'excès de détail qui pourrait décourager les soumissionnaires ou complexifier inutilement l'analyse.

Fonctions de la DPGF dans le processus de passation et d'exécution des marchés

Rôle central dans l'analyse des offres

La DPGF constitue un outil d'analyse fondamental pour l'acheteur public lors de la phase de sélection des offres. Elle permet notamment :

Cette analyse financière détaillée, en relation avec l'analyse technique des offres, contribue à la sécurisation juridique du processus de sélection et à l'optimisation économique du marché.

Support de suivi et de gestion financière pendant l'exécution du marché

Bien que non contractuelle en principe, la DPGF sert fréquemment de référence pendant l'exécution du marché pour les opérations suivantes.

La DPGF joue ainsi un rôle dans la traçabilité financière du marché et dans la matérialisation du service fait, contribuant à la sécurisation des paiements et à la prévention des contentieux.

Outil de dialogue entre les acteurs du marché

Au-delà de ses fonctions techniques et administratives, la DPGF constitue un outil de dialogue entre les différents intervenants.

Pour un dialogue entre le maître d'ouvrage et les soumissionnaires lors de la phase de consultation, mais aussi entre le maître d'œuvre et le titulaire pendant l'exécution du marché, ou encore entre les différents intervenants techniques pour la coordination des prestations et enfin entre les services financiers et techniques pour le suivi budgétaire.

Ce rôle est particulièrement important dans les marchés complexes impliquant de multiples intervenants et nécessitant une coordination des différentes prestations.

Aspects pratiques et opérationnels

Format et modalités de transmission

Dans le contexte actuel de dématérialisation des procédures de passation des marchés publics, les modalités de transmission de la DPGF ont évolué. L'article L2132-2 du Code de la commande publique impose la dématérialisation pour la plupart des procédures, ce qui influence directement le format et la gestion de ce document.

Le format électronique le plus couramment exigé est le format EXCEL, qui présente plusieurs avantages comme :

En pratique, le DCE comprend généralement une version modifiable (EXCEL) et une version non modifiable (PDF) du cadre de décomposition, cette dernière pouvant parfois faire foi en cas de divergence.

Interactions avec les autres pièces de prix dans certains marchés

Dans les marchés mixtes combinant plusieurs types de prix, la DPGF s'articule avec d'autres documents financiers :

Cette articulation nécessite une coordination lors de l'élaboration du DCE pour garantir la cohérence globale du marché et éviter les contradictions ou duplications entre les différentes pièces.

Adaptation de la DPGF aux différents types de marchés

Si la DPGF est particulièrement adaptée aux marchés de travaux, elle trouve également sa place dans d'autres types de marchés publics :

Dans chaque cas, la structure et le contenu de la DPGF doivent être adaptés aux spécificités du secteur concerné et aux caractéristiques particulières des prestations attendues, reflétant la nature technique des travaux ou services à réaliser.

Aspects juridiques et contentieux liés à la DPGF

Responsabilité en cas d'erreurs dans la DPGF

Les erreurs affectant la DPGF peuvent engager la responsabilité de différents acteurs selon leur origine et leur nature.

La responsabilité du maître d'œuvre et la jurisprudence reconnaît la responsabilité quasi-délictuelle du maître d'œuvre envers le titulaire du marché en cas d'erreur significative dans l'élaboration de la DPGF, notamment lorsque cette erreur conduit à une sous-évaluation substantielle des prestations à réaliser (CAA Lyon, 30 janvier 2025, n° 23LY03969).

La responsabilité du titulaire et la jurisprudence retient également une part de responsabilité de l'entreprise titulaire qui n'aurait pas satisfait à son obligation de vérification des quantités avant la remise de son offre, cette négligence pouvant réduire son droit à indemnisation.

La responsabilité du maître d'ouvrage qui est plus rarement engagée, elle peut néanmoins être reconnue en cas d'insuffisante définition des besoins ou d'information inexacte fournie aux candidats

La répartition des responsabilités dépend largement des circonstances spécifiques de chaque espèce et de la capacité des différents intervenants à déceler et signaler les anomalies éventuelles.

Litiges fréquents liés à l'interprétation de la DPGF

Plusieurs types de contentieux récurrents impliquent la DPGF :

La jurisprudence administrative a progressivement établi des critères d'appréciation permettant de résoudre ces litiges, en s'appuyant notamment sur les principes contractuels et de bonne foi dans l'exécution des contrats administratifs.

Variations de prix : fermes, actualisables et révisables

La gestion du prix dans la durée constitue une problématique classique dans  marchés publics, particulièrement dans les marchés de longue durée ou exposés à des fluctuations économiques significatives. La réglementation distingue trois principaux mécanismes d'évolution des prix :

Les prix fermes sont invariables pendant toute la durée du marché, ils présentent l'avantage de la prévisibilité budgétaire mais transfèrent l'intégralité du risque économique au titulaire (Articles R2112-9 à R2112-12 du Code de la commande publique).

Les prix actualisables sont fixes pendant l'exécution mais actualisables si un délai supérieur à trois mois s'écoule entre la date d'établissement du prix et le début d'exécution des prestations, conformément à l'article R2112-11 du CCP.

Les prix révisables sont susceptibles d'évoluer périodiquement selon une formule de révision intégrant des indices représentatifs des coûts supportés par le titulaire, protégeant ainsi les deux parties contre les fluctuations économiques imprévisibles (Article R2112-13).

La DPGF joue un rôle substantiel dans l'application de ces mécanismes, en permettant notamment de déterminer précisément les pondérations des différents indices dans les formules de révision, reflétant ainsi la structure réelle des coûts du marché.

Actualités de la commande publique

Publication du Guide sur les prix 2023 dans les marchés publics par la DAJ (24/10/23).

Voir également

Formations aux marchés publics pour les acheteurs.

Formation à la réponse dématérialisée aux marchés publics par Internet.